Lydia Jardon

NikolaĂŻ Miaskovsky

Sonates pour piano n° 2, 3, 4
Lydia Jardon, piano

Détails produit

Sonate n° 2 en fa diÚse mineur op. 13

1.Lento, ma deciso
2.Allegro affanato
3.Allegro con moto e tenebroso
4.Allegro affanato
5.Allegro e poco a poco piĂč agitato
6.Allegro disperato
 

Sonate n° 3 en do mineur op. 19

7.Con desiderio, improvisato
8.Moderato con moto, stentato, ma sempre agitato
 

Sonate n° 4 en do mineur op. 27

9.Allegro moderato, irato
10.Andante non troppo quasi Sarabanda

11.Allegro con brio

Ingénieur du son : Jean-Marc Laisné.
EnregistrĂ© Ă  L’Heure bleue*, Salle de musique, La Chaux-de-Fond, Suisse,
les 25, 26, 27 janvier et le 7 avril 2009.
Piano : Steinway (Regamey).
Livret : Pascal Ianco.

AR RE-SE 2009-2

Miaskovsky ou L’Exil intĂ©rieur

NikolaĂŻ Miaskovsky voit le jour en 1881, dans une Europe agitĂ©e que Marcel Gauchet dĂ©crit comme « le cratĂšre des annĂ©es 1880-1914 ». Comprenons aussi ce mot dans son acception alchimique : c’est dans ce creuset que s’élaborent et s’assemblent les Ă©lĂ©ments qui constitueront le XXe SiĂšcle. Gestation particuliĂšrement difficile pour la Russie : cette mĂȘme annĂ©e 1881, le Tsar Alexandre II meurt dans un attentat Ă  la bombe, et les premiers pogroms annoncent des massacres d’une toute autre ampleur. Pendant l’enfance du compositeur se met en place le systĂšme d’alliances qui mĂšnera Ă  la PremiĂšre Guerre Mondiale et, avant mĂȘme 1914, manquera plusieurs fois de mettre le feu aux poudres. La Russie, en plein dĂ©veloppement industriel, bĂ©nĂ©ficie d’investissements Ă©trangers considĂ©rables, dont les fameux emprunts russes. D’oĂč l’émergence d’une classe ouvriĂšre, qui s’accompagne des conflits sociaux propres aux sociĂ©tĂ©s industrialisĂ©es : la premiĂšre grande grĂšve russe Ă©clate dans les usines de coton d’Orekhovo-ZouiĂ©vo en 1885.

Lorsqu’il termine ses Ă©tudes, en 1911, Miaskovsky, officier du GĂ©nie (tout comme son pĂšre, gĂ©nĂ©ral atypique et pacifiste), a dĂ©jĂ  quittĂ© l’armĂ©e pour se consacrer entiĂšrement Ă  la musique. Il n’exerce sa nouvelle profession que peu de temps. MobilisĂ© en 1914 et envoyĂ© sur le front, le compositeur est l’acteur et le tĂ©moin horrifiĂ© du premier conflit mondial. BlessĂ© dans son Ăąme et dans sa chair – il est victime d’une commotion cĂ©rĂ©brale –, il assiste, sur les champs de bataille, Ă  la naissance d’un siĂšcle dont il Ă©prouvera toute la brutalitĂ©. AprĂšs la chute du Tsar et jusqu’en 1918, Miaskovsky sert Ă  l’état-major soviĂ©tique, plus par patriotisme que par conviction politique, -semble-t-il. Tragique paradoxe : la mĂȘme annĂ©e, son pĂšre est abattu sur un quai de gare par un soldat rĂ©volutionnaire.

La guerre civile s’achĂšve en 1921 sur la dĂ©faite des Russes blancs et la prise du pouvoir total par les Soviets. AprĂšs les errements et les expĂ©riences Ă©conomiques catastrophiques du dĂ©but de l’ùre communiste, la NEP (Nouvelle Économie Politique) semble annoncer un retour au rĂ©alisme et Ă  la prospĂ©ritĂ©. L’existence de Miaskovsky Ă©volue au mĂȘme rythme que celui de sa nouvelle patrie. Cette mĂȘme annĂ©e 1921 (1919, selon certaines sources), nommĂ© professeur au Conservatoire de Moscou, il s’installe durablement dans son existence de compositeur et de professeur. La jeune RĂ©volution soviĂ©tique lui donne-t-elle l’espoir d’une sociĂ©tĂ© plus juste, plus libre, d’un monde ayant pris un nouveau dĂ©part « dans l’affection et les bruits neufs » ? La nouvelle sociĂ©tĂ©, malgrĂ© ses travers, est un lieu d’expĂ©rimentations artistiques et sociales, un Ă©norme bouillonnement culturel. On sait ce qu’il en adviendra une fois Staline arrivĂ© au pouvoir : aprĂšs les Koulaks – paysans « possĂ©dant leur propre outil de production », et opposĂ©s Ă  la collectivisation –, la nouvelle classe bourgeoise nĂ©e de la NEP est exterminĂ©e, les avant-gardes sont mises au pas, et le « rĂ©alisme adaptĂ© au Socialisme » devient la doctrine officielle du rĂ©gime. L’annĂ©e 1930, qui marque l’avĂšnement dĂ©finitif du Totalitarisme, voit en mĂȘme temps le suicide du poĂšte Vladimir MaĂŻakovsky, qui incarnait l’utopie avant-gardiste, et la crĂ©ation du Goulag.

Est-ce de cette pĂ©riode que date ce que le musicologue Michael Segelman appelle « l’exil intĂ©rieur » de Miaskovsky ? Car face Ă  la tragĂ©die de l’Histoire, le compositeur se souvient peut-ĂȘtre des conseils paternels : « L’unique forme de libertĂ© que je reconnaisse, Ă©crit le gĂ©nĂ©ral Ă  son fils, c’est la victoire sur soi-mĂȘme. [
] Seul le Christ nous a montrĂ© ce [que le mot « LibertĂ© » signifie] : se dompter soi-mĂȘme, se dĂ©passer. Travaille dans cette direction, et tu seras libre. ». Il est encore difficile d’affirmer quoi que ce soit sur les convictions religieuses du compositeur. Mais les tĂ©moignages attestent qu’au minimum, il adopta ce qu’on pourrait appeler une « philosophie du retrait » ; celle qui consiste Ă  se vaincre soi-mĂȘme, Ă  ĂȘtre dans le monde sans ĂȘtre du monde et Ă  compenser les forces extĂ©rieures et tragiques par la force intĂ©rieure. Ce dĂ©tachement, cette hauteur de vue dont tĂ©moigne toute son existence, fera du compositeur la conscience morale de sa profession.

De hauteur morale, il en aura fallu beaucoup Ă  Miaskovsky pour supporter les persĂ©cutions de 1948 lancĂ©es par Jdanov contre les compositeurs soviĂ©tiques les plus en vue, parmi lesquels Chostakovitch, Prokofiev et Miaskovsky lui-mĂȘme. Jdanov, l’homme de la fameuse doctrine, et qui porte la double casquette, tragique et surrĂ©aliste, de Ministre de la police et de la culture, les accuse de Formalisme – autrement dit, de se livrer Ă  des recherches musicales « petites-bourgeoises et contre le Peuple ». Il dresse les musiciens terrorisĂ©s les uns contre les autres. L’Union des Compositeurs est une Union SoviĂ©tique en miniature. On y applique tout autant les directives les plus absurdes, on s’y mobilise pour rĂ©soudre des contradictions inventĂ©es de toutes piĂšces, on s’y dĂ©nonce mutuellement pour sauver sa situation, ou tout simplement sa peau. Dans toute l’Union SoviĂ©tique, comme dans celle des compositeurs, rĂšgnent l’angoisse et le mensonge (1). Jusqu’au sommeil, qui fuit : Chosta-kovitch, comme beaucoup de ses compatriotes, sa valise prĂ©parĂ©e au pied de son lit, se couche tout habillĂ© et passe ses nuits Ă  Ă©pier le moindre bruit en attendant une arrestation qui, pour lui, n’arrivera jamais. Comme Macbeth, Staline veille. Ce n’est certes pas la conscience de son acte ou la culpabilitĂ© qui le tiennent Ă©veillĂ© : il occupe ses nuits Ă  dresser la liste de ses victimes.

Miaskovsky ne se prĂȘte pas au jeu des persĂ©cuteurs. Il refuse de faire son autocritique, publiquement ou par Ă©crit, et d’assister aux « rĂ©unions des compositeurs et musicologues moscovites » comme aux sĂ©ances d’humiliations publiques organisĂ©es au Conservatoire devant les Ă©lĂšves.

Jusqu’oĂč peut-on pousser le dĂ©tachement ? Les deux guerres mondiales, le spectacle de la sociĂ©tĂ© soviĂ©tique dĂ©vorant absurdement ses enfants, purge aprĂšs purge, cercle aprĂšs cercle, au nom de la marche inflexible de l’histoire (Staline offre-t-il ses compatriotes en holocauste pour mieux conjurer la mort, lui qui a Ă©crit « qu’il n’y a qu’elle qui gagne » ?), les persĂ©cutions de cette annĂ©e 1948 et la perversion des liens humains qu’elles entraĂźnent auront certainement affectĂ© la santĂ© dĂ©faillante du compositeur, qui s’altĂšre dramatiquement. Il s’éteindra deux ans plus tard, entourĂ© des siens, le 8 aoĂ»t 1950.

Humainement comme politiquement, Miaskovsky fut essentiellement un modĂ©rĂ©. En tant que tel, il n’a sans doute jamais totalement adhĂ©rĂ© au dĂ©terminisme historique, aux « lendemains qui chantent », et encore moins Ă  l’avĂšnement « matĂ©riel » d’un homme nouveau (et d’une langue musicale nouvelle qui en aurait Ă©tĂ© le corollaire). Avant mĂȘme que Staline n’élimine toute trace d’avant-gardisme en URSS, sa pente naturelle l’aura probablement incitĂ© Ă  cultiver et prolonger le langage classique. La symphonie est sa forme de prĂ©dilection. Elle lui permet de raffiner un artisanat Ă©prouvĂ©, et de garder toute son attention Ă  capter sur le papier Ă  musique les vibrations les plus subtiles Ă©manant de l’ « homme intĂ©rieur », prĂ©cisĂ©ment. Cela ne fait pas pour autant de lui un « antimoderniste ». Il a analysĂ©, commentĂ© et enseignĂ© Ă  ses Ă©tudiants, les Ɠuvres de Debussy, Ravel, Scriabine, Stravinsky, Strauss, Schoenberg, et a explorĂ©, pour son propre compte, certains des territoires qu’ils avaient ouverts.

A vrai dire, pour un temps, Miaskovsky dĂ©veloppa lui aussi une syntaxe musicale trĂšs avancĂ©e, dont tĂ©moignent les DeuxiĂšme, TroisiĂšme et QuatriĂšme Sonates enregistrĂ©es ici. ƒuvres-cratĂšres, qui n’ont rien Ă  envier aux Ɠuvres pour piano de Prokofiev, de Rachmaninov ou de ses contemporains occidentaux. Lydia Jardon en dĂ©crit la puissance, la profusion et le pianisme intimidant qui semble excĂ©der nos limites – serait-il destinĂ© Ă  un « homme nouveau » ? VoilĂ , ajoute l’interprĂšte de ce disque, une « musique du courroux ». C’est bien de colĂšre dont il s’agit ici, symbolisĂ©e musicalement par le Dies Irae (2) qui sous-tend l’entiĂšre DeuxiĂšme Sonate (1912) – et par une fugue finale dont le thĂšme Ă©chevelĂ© semble atteint de folie dĂ©sespĂ©rĂ©e.

Les DeuxiĂšme et TroisiĂšme Sonates, qui sont en un seul mouvement et ne bĂ©nĂ©ficient pas, contrairement Ă  la QuatriĂšme, de la dĂ©tente relative d’un mouvement lent, donnent l’impression d’un dĂ©sarroi absolu et sans issue. Elles semblent d’ailleurs commencer par la mĂȘme phrase Ă©perdue, dite diffĂ©remment. Les trois sonates ont d’ailleurs en commun de s’ouvrir – et parfois de se conclure – par un geste musical forcenĂ©, sorte de coup de poing rageur sur le clavier. Elles sont comme les trois versions d’une mĂȘme Ɠuvre, Ă  chaque fois plus radicale, et partagent, au sein d’une pensĂ©e architecturale trĂšs forte, l’exploration extrĂȘme de registres, d’extraordinaires passages piano frisant la dissolution tonale ou psychologique, une Ă©criture motivique obsessive et monomane, le ressassement croissant et panique des idĂ©es, des codas assĂ©nĂ©es comme Ă  coup de marteau, et cette lutte forcenĂ©e de la main droite et de la main gauche se renvoyant perpĂ©tuellement thĂšmes et motifs dans la plus grande violence, et qui semble le combat d’une Ăąme contre elle-mĂȘme. Notons que, signe d’espoir et symptĂŽme de rĂ©solution des conflits, cette « Trilogie de la colĂšre » que sont les DeuxiĂšme, TroisiĂšme et QuatriĂšme Sonates, s’achĂšve (dernier mouvement de la QuatriĂšme Sonate) dans une humeur tout aussi sauvage, mais cette fois joyeuse et bondissante.

D’ailleurs, contre quoi serait-elle courroucĂ©e, cette musique ? Un critique musical soviĂ©tique aurait pu rĂ©pondre : « contre un ordre social vermoulu, vieille mue dont un monde neuf doit s’extraire ». Gageons que ce dont veut se dĂ©barrasser Miaskovsky, c’est de lui-mĂȘme, de l’homme ancien qu’il faut « dompter » et « dĂ©passer », selon les prĂ©ceptes paternels, « pour ĂȘtre libre ». Car si les Ɠuvres que nous venons d’évoquer ont rĂ©ellement quelque chose Ă  voir avec le monde intĂ©rieur de leur auteur, que peut faire ce dernier, afin de ne pas y succomber, de dĂ©passer des tensions d’une telle violence et, renversant la donne, de trouver la paix intĂ©rieure ?

Perspective spiritualiste sur l’Homme nouveau, que l’idĂ©ologie communiste a considĂ©rĂ© sous l’angle matĂ©riel. NikolaĂŻ Miaskovsky eĂ»t sans doute pu faire sienne la phrase de Pessoa, son contemporain : « Je suis un homme pour qui le monde extĂ©rieur est une rĂ©alitĂ© intĂ©rieure ».

Pascal Ianco

(1) Souvenons-nous que 1948 est Ă©galement l’annĂ©e de l’affaire Lyssenko, qui est l’exact pendant, dans le domaine scientifique, des persĂ©cutions lancĂ©es contre les compositeurs. Dans toute l’URSS, qui littĂ©ralement « marche sur la tĂȘte », cette annĂ©e 1948 voit la substitution du mensonge Ă  la rĂ©alitĂ©.
(2) Dies Irae qu’on retrouvera dix ans plus tard dans la Sixiùme Symphonie.

La presse en parle

classica

star

« Ce rĂ©cital prĂ©sente des partitions hĂ©las peu jouĂ©es et peu enregistrĂ©es. Moins immĂ©diatement sĂ©duisantes sur le plan rythmique et harmonique que celles de Prokofiev et de Scriabine, moins tenues par le flot mĂ©lodieux comme chez Medtner, les sonates de Miaskovski n’en sont pas moins passionnantes. Leur tempĂ©rament Ă©pique, violemment exacerbĂ©, ne fait pas mystĂšre de diverses influences : Rachmaninov et Scriabine, essentiellement, mais aussi Debussy et parfois Chopin, voire Schumann dans la DeuxiĂšme Sonate. Lydia Jardon nous en offre une lecture Ă  la fois acĂ©rĂ©e et trĂšs expressive. Elle prĂ©serve autant la lisibilitĂ© de l’Ă©criture qu’elle en montre la dimension narrative. Son jeu n’a rien d’impulsif et elle domine de maniĂšre impressionnante le cĂŽtĂ© fantasque et motorique de ces pages. Il serait en effet si facile de ne restituer qu’une succession d’atmosphĂšres allant de l’abattement Ă  la rage. Cette cohĂ©rence du propos montre l’originalitĂ© de la musique de Miaskovski et surtout le traitement si personnel du son. La pianiste privilĂ©gie en effet la matiĂšre sonore, les effets de rĂ©sonance, le silence aprĂšs le paroxysme d’accords. La discographie s’enrichit d’une version moderne de rĂ©fĂ©rence qui supplante les lectures de McLachIan et HegedĂŒs. En effet, Lydia Jardon obtient l’Ă©quilibre entre passion et luciditĂ©, Ă©quilibre que l’on espĂ©rait retrouver depuis les tĂ©moignages de Richter dans la Sonate n°3 (RCA, Pyramid). Un seul regret pour ce disque : une durĂ©e un peu trop courte. »

Classica, Octobre 2009, Stéphane Friédérich

diapason

rec

« Le rĂ©pertoire russe rĂ©ussit Ă  Lydia Jardon ! AprĂšs les Sonates de Rachmaninov et l’intĂ©grale des Études de Scriabine (Ar RĂ©-SĂ©), elle s’attaque Ă  un compositeur infiniment moins connu et documentĂ©. Certes, ses vingt-sept symphonies ont Ă©tĂ© gravĂ©es sous la baguette de Svetlanov (Warner, 16 CD), et ses opus chambristes et concertants n’ont pas trop eu Ă  se plaindre. Mais hormis la Sonate n°3 par Richter, la discographie du piano miaskovskien demeurait bien dĂ©sertique, jusqu’Ă  la parution de cette version des trois sonates les plus intĂ©ressantes parmi les neuf que lĂšgue l’auteur — elles datent respectivement de 1912, 1920 et 1924. DĂ©fi technique incessant, cette musique ne cĂšde pourtant jamais Ă  l’extĂ©rioritĂ© et met son dĂ©ferlement virtuose au service d’une Ă©nergie sombre et contenue. HantĂ©e par le thĂšme du Dies irae, la Sonate n°2 qui ouvre le programme donne le ton. Trahissant l’influence de Scriabine, elle adopte, ainsi que la suivante, la construction monolithique propre aux Sonates n°s 5 Ă  10 du PoĂšte de l’extase. Cependant, ces pages furieuses et personnelles font entendre autre chose qu’un Ă©pigone. Moins de soufre, plus de rage, pourrait-on dire. Lydia Jardon les porte avec un souffle et une palette sonore d’une richesse et d’une densitĂ© remarquables. Avec la Sonate n°4, Miaskovski adopte une construction plus classique, quoique le caractĂšre demeure profondĂ©ment « irato », pour reprendre le qualificatif accolĂ© Ă  l’Allegro initial. Son chef-d’Ɠuvre pianistique ? Peut-ĂȘtre. On admire en tout cas l’intelligence avec laquelle l’interprĂšte y conjugue propos courroucĂ© et souci d’Ă©quilibre. »

Diapason, Octobre 2009, Alain Cochard

classic

« Miaskovsky retrouvé Lydia Jardon en rĂ©cital Ă  l’AthĂ©nĂ©e
Lydia Jardon ? Ne comptez pas sur elle pour faire les choses comme les autres ! CrĂ©er un festival ? Lorsque l’idĂ©e lui vint il y a une dizaine d’annĂ©es, c’est sur l’Île d’Ouessant que la pianiste dĂ©cida de s’installer. Les moqueurs de moquĂšrent… « BoostĂ©es » par l’intelligente mutualisation des forces Ă  laquelle les festivals bretons procĂšdent depuis cet Ă©tĂ©, les Rencontres de « Musiciennes Ă  Ouessant » sont aujourd’hui en passe de devenir l’une des destinations les plus « tendance » de la cĂŽte Ouest.
Choisir du rĂ©pertoire ? Lydia Jardon n’aime rien tant que le dĂ©fi et, souvent, la raretĂ©. AprĂšs de trĂšs beaux enregistrements des Goyescas de Granados et des deux Sonates de Rachmaninov, la pianiste a plus rĂ©cemment signĂ© une intĂ©grale de rĂ©fĂ©rence des Etudes de Scriabine. L’univers de la musique russe convient idĂ©alement Ă  l’ardeur et Ă  la riche palette de couleurs de son jeu.
Lorsque Pascal Ianco, aux Editions du Chant du Monde(1), a communiquĂ© Ă  Lydia Jardon les partitions des Sonates de Nikolai Miaskovsky (1881-1950), le coup de foudre s’est produit entre l’interprĂšte et la musique d’un immense compositeur trop oubliĂ©. De son collĂšgue et grand ami – qui, comme lui ou Chostakovitch, fit les frais du « tir groupĂ© » du sinistre camarade Jdanov en janvier 1948 – Prokofiev disait : « Tout ce qu’a Ă©crit Miaskovsky est profondĂ©ment personnel et d’une intuition psychologique admirable. Cette musique n’est pas de celles qui deviennent rapidement populaires. » Les Ɠuvres de Miaskovsky furent assez souvent jouĂ©es en Europe occidentale et aux Etats-Unis durant l’entre-deux-guerres, mais depuis on a hĂ©las perdu de vue un compositeur qui mĂ©rite franchement d’ĂȘtre (re)dĂ©couvert.
Le maestro Evgeny Svetlanov a beaucoup fait pour lui et l’on dispose d’une intĂ©grale des 27 Symphonies sous sa fervente baguette (16 CD Warner). DĂ©sormais on rangera tout prĂšs de ce volumineux coffret le rĂ©cital Miaskovsky de Lydia Jardon(2). Avec les Sonates n° 2 et 3 – encore post-scriabiniennes par bien des aspects – et la 4Ăšme, il constitue en effet le plus bel enregistrement de piano miaskovskien disponible aujourd’hui et prĂ©sente de surcroĂźt les trois sonates les plus sĂ©duisantes du compositeur parmi les neuf qu’il lĂšgue.
Exceptionnellement abouti, ce CD est l’un des Ă©vĂ©nements discographiques de la rentrĂ©e et mĂ©ritait d’ĂȘtre accompagnĂ© d’un rĂ©cital. Lydia Jardon sera sur la scĂšne du Théùtre de l’AthĂ©nĂ©e, lundi 28 septembre dans un programme Beethoven-Miaskovsky oĂč la Sonate n° 4 du Russe sera mise en regard de la Sonate n° 31, tandis que la brĂ»lante Sonate n° 2, hantĂ©e par le thĂšme du Dies irae, rĂ©pondra Ă  la fiĂšvre de l’Appassionata. Un programme dont la cohĂ©rence et l’équilibre ne font que renforcer l’attrait. »

(1) Pour en savoir plus sur Miaskovsky et nombre d’autres compositeurs, russes mais pas seulement, on consultera avec profit le site des Editions du Chant du Monde : www.chantdumonde.com/fr/editions

(2) Un récital disponible comme tous les enregistrements de Lydia Jardon sous le label AR RE-SE (dist. Codaex) www.lydiajardon.com/discographie_fr.html

concertclassic.com, Septembre 2009, Alain Cochard

education musicale

« AprĂšs la publication des Sonates 3 et 4 pour piano de NikolaĂŻ Miaskovsky (cf. notre Lettre d’information, mai 2009), ce CD comprenant, en outre, la deuxiĂšme, vient Ă  point nommĂ©, pour permettre aux interprĂštes de bĂ©nĂ©ficier des critĂšres d’interprĂ©tation retenus par Lydia Jardon. Le compositeur, nĂ© en 1881 – l’annĂ©e de la mort du tsar Alexandre II –, mobilisĂ© en 1914, sera, aprĂšs la chute du tsar, au service de l’état-major. Ce n’est qu’en 1921 qu’il sera professeur au Conservatoire du Moscou ; en 1948, il subira les persĂ©cutions et les contraintes de l’Union des compositeurs. Ses Sonates n°2, en fa# mineur (op.13) et n°3, en ut mineur (op.19), en un seul mouvement enchaĂźnĂ©, ne bĂ©nĂ©ficient pas d’un mouvement lent central, exploitent des registres extrĂȘmes et tournent parfois Ă  l’obsession, avec citations discrĂštes du thĂšme du Dies irae (Sonate n°2), spĂ©culant sur les contrastes de mouvements Lento et Allegro. Georges Hallfa les rattache Ă  une « perspective spiritualiste sur l’Homme nouveau, que l’idĂ©ologie communiste a considĂ©rĂ© sous l’angle matĂ©riel ». La Sonate n°4, en ut mineur (op.27), est tripartite : Allegro
, Andante
 et Allegro con brio. L’éminente pianiste se joue de tous les traquenards de ces Sonates, grĂące Ă  une technique et une Ă©nergie Ă  toute Ă©preuve. »

L’Education musicale, NumĂ©ro 32, Octobre 2009

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