Quatuor Ardeo

Charles Koechlin

Quartets n°1 & n°2

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Quartet n°1 op. 51 in D

1.Allegro moderato

2.Scherzo (Allegro scherzando non troppo vivace)

3.Andante quasi adagio

4.Finale (Allegro con moto)

Quartet n°2 op. 57

5.Adagio

6.Scherzo (Allegro con fuoco)

7.Quasi adagio

8.Finale (Allegro moderato)

Ingénieur du son : Jean-Marc Laisné.
EnregistrĂ© Ă  l’Église luthĂ©rienne Saint-Marcel Ă  Paris les 2, 3, 4 et 5 octobre 2006.
Livret : Ludovic Florin.

AR RE-SE 2006-3

Les Quatuors de Charles Koechlin ou la généreuse exigence

Charles Koechlin (1867-1950) fut l’un de ces hommes qui semble avoir eu plusieurs vies en une seule puisque, outre la composition, il s’intĂ©ressa aux mathĂ©matiques (aprĂšs deux annĂ©es Ă  Polytechnique), Ă  l’astronomie, Ă  la littĂ©rature, Ă  l’architecture (il conçut lui-mĂȘme les plans de ses maisons secondaires), Ă  la photographie ou encore au cinĂ©ma. Ce fut aussi un grand marcheur qui, de la France Ă  la Turquie, en passant par l’Espagne ou la GrĂšce, communiait avec la nature qu’il parcourait. Ses partitions reflĂštent cette ouverture d’esprit : La CitĂ© nouvelle pour l’astronomie, The seven stars symphony pour le cinĂ©ma, Jean-Christophe d’aprĂšs Romain Rolland, Le Livre de la jungle, Les heures persanes, etc. On dĂ©couvre Ă  l’intĂ©rieur de chacune d’elles de nombreux styles musicaux parfaitement maĂźtrisĂ©s. Dans un mĂȘme opus, Koechlin peut ainsi employer la modalitĂ© grĂ©gorienne, la superposition tonale voire mĂȘme l’atonalisme, façon pour lui de n’ĂȘtre dominĂ© par aucun dogme. Il n’y perd pourtant pas son Ăąme, et quelques mesures suffisent Ă  reconnaĂźtre sa « griffe » sonore. Esprit hautement indĂ©pendant, il semble qu’il ait Ă  payer cher ce courage dans un pays comme la France qui a la manie du classement et de l’étiquetage. En effet, Koechlin, l’un des compositeurs les plus importants de la premiĂšre moitiĂ© du XXe siĂšcle, est encore aujourd’hui trop sous-estimĂ©. C’est pourquoi le prĂ©sent enregistrement se rĂ©vĂšle d’un intĂ©rĂȘt supĂ©rieur.

MĂȘme en incluant l’opus 122, deux fugues composĂ©es en 1932, il peut paraĂźtre Ă©tonnant qu’il n’y ait pas davantage de quatuor Ă  cordes parmi les quelques deux cent vingt partitions de son catalogue. ComparĂ© Ă  ses plus prolifiques contemporains (Milhaud, Chostakovitch ou Martinu par exemple) Koechlin ne s’est toutefois pas contentĂ© d’en Ă©crire un seul, Ă  l’image de son maĂźtre FaurĂ©, ou des Debussy, Ravel et autres Roussel. De FaurĂ©, Koechlin a certainement retenu le respect avec lequel il convenait d’aborder cette formation considĂ©rĂ©e comme la plus Ă©levĂ©e de la musique pure depuis les Ă©blouissantes rĂ©ussites de Beethoven. Il semblait pourtant tout dĂ©signĂ© Ă  entretenir longuement le genre. Parmi ses confrĂšres n’était-il pas l’un des plus savants, celui que l’on consultait quand un problĂšme Ă©pineux ne semblait pas avoir de solution ? C’est ce que nous rappellent ses multiples Ɠuvres didactiques dont le TraitĂ© d’harmonie (1924-25), le TraitĂ© d’orchestration (1954-59) et surtout son TraitĂ© sur la Polyphonie modale (1931) pour l’écriture Ă  quatre voix rĂ©elles du quatuor, ses Ă©tudes sur le choral (1929), la fugue (1934) et le contrepoint (dĂšs 1926). Le compositeur expĂ©rimenta ainsi toutes les combinaisons instrumentales possibles, du solo au grand orchestre avec solistes et chƓur. NĂ©anmoins, ses trois quatuors sont reprĂ©sentatifs de l’évolution stylistique de sa premiĂšre Ă  sa deuxiĂšme maniĂšre.

On Ă©tablit habituellement la datation de leur composition de la façon suivante : Premier quatuor de 1911 Ă  1913 ; DeuxiĂšme entre 1915 et 1916 ; TroisiĂšme de 1917 Ă  1921. En rĂ©alitĂ©, les esquisses conservĂ©es Ă  la BibliothĂšque nationale de France montrent combien la conception de chacun d’eux fut plus Ă©tendue. Ainsi, les premiers brouillons du Quatuor n°1 portent-ils les dates du 22 mai au 6 juin 1902. EstampillĂ© par la SACEM le 10 juillet 1914, Koechlin concevait encore des « variantes (conformes Ă  l’édition) » le 28 fĂ©vrier 1921. La composition de l’opus 57 dĂ©buta bien en 1915, le 25 juin prĂ©cisĂ©ment, par des esquisses du premier mouvement. Le scherzo fut terminĂ© en septembre 1916. Mais les brouillons du finale sont datĂ©s du 28 aoĂ»t 1909 au 1er aoĂ»t 1915. Puis, recopiant au net le quatuor, Koechlin rĂ©visa une derniĂšre fois l’ensemble entre le 1er et le 2 aoĂ»t 1921. Enfin, les idĂ©es fortes du dernier quatuor s’échelonnent du 13 juin 1913 au 18 aoĂ»t 1919, alors que l’accord final fut Ă©crit le 15 aoĂ»t 1921. On l’aura compris par le prisme de cette chronologie, ces quatuors ne sont pas le fruit d’un empressement hĂątif. Au contraire, chaque note y est pesĂ©e, pensĂ©e et repensĂ©e. Tous furent enfin l’objet d’une rĂ©vision complĂšte en 1921, sans doute motivĂ©e par l’audition de son Premier quatuor op.51 dont la crĂ©ation avait eu lieu le 19 mai 1921 Ă  Paris par le Quatuor Pascal.

En occultant les courts opus 20, 32 et 34, l’op.51 inaugure vĂ©ritablement le domaine de la musique de chambre dans le catalogue du compositeur. La dĂ©dicace, « À mon maĂźtre AndrĂ© GĂ©dalge », au-delĂ  de la sincĂšre gratitude, rĂ©vĂšle combien l’écriture est redevable Ă  l’enseignement dispensĂ© Ă  la classe de contrepoint et de fugue du Conservatoire. Koechlin y dĂ©ploie en effet une science de la ligne mĂ©lodique, du suivi des voix (aux frĂ©quents croisements) qui en fait, dĂšs son premier essai dans ce domaine, un idĂ©al Ă©quilibre entre maĂźtrise technique et musicalitĂ©. Au sein d’une forme sonate assez souple, deux thĂšmes vont ĂȘtre transformĂ©s, modulĂ©s, superposĂ©s, d’une façon trĂšs libre loin de toute scolastique. Les barres de mesure sont toujours prĂ©sentes mais leurs perpĂ©tuels caprices (6/4, 9/4, 12/4, 4 1/2/4, 3 1/2/4, etc.) nous disent combien la musique est trop Ă  l’étroit dans le carcan des barres de mesure qui ne demande qu’à exploser sous la plume du compositeur. Dans l’étagement des quintes Ă  vide graves du violoncelle jusqu’aux suraiguĂ«s cĂ©lestes des violonistes se reflĂšte peut-ĂȘtre la passion de Koechlin pour les grands espaces montagnards qu’il aimait tant parcourir, en une sorte de transposition inconsciente et poĂ©tique. Le Scherzo qui suit a lui aussi une mĂ©trique trĂšs mouvante. Il est construit Ă  partir d’une mĂ©lodie proche de la comptine enfantine, comme si le compositeur tentait de redonner aux procĂ©dĂ©s les plus savants une innocence originelle. Les couleurs de cette page d’une saveur diaphane sont variĂ©es par un grand nombre de sonoritĂ©s diffĂ©rentes (pizzicatos, harmoniques, registres extrĂȘmes, trĂ©molos, etc.) et par des changements de tonalitĂ©s extraordinairement rapides.

L’Andante quasi adagio est un nocturne au mouvement perpĂ©tuel de croches inĂ©luctables. Une tension calme Ă©mane d’un chromatisme assez romantique Ă©quilibrĂ© Ă  merveille par une Ă©criture dense par des nuances n’excĂ©dant jamais le mezzo piano. Son unique mĂ©lodie parcourt continĂ»ment le mouvement en passant d’un instrument Ă  l’autre. Le Finale paraĂźt moins sĂ©rieux et prend la forme d’un pastiche de la PremiĂšre École de Vienne. Et plus particuliĂšrement de Haydn dans le refrain par quoi dĂ©bute ce rondo, anticipant de quelques annĂ©es le mouvement nĂ©o-classique. Chaque couplet montre cependant un visage en adĂ©quation avec sa date de composition (variations complexes, sonoritĂ©s Ăąpres, etc.) AprĂšs le retour du refrain, le dernier couplet amĂšne une surprenante modulation en do majeur oĂč une phrase trĂšs pure s’y dĂ©ploie dans un style presque galant. La conclusion se clarifie encore davantage, s’apaise et se conclut non en rĂ© majeur (tonalitĂ© d’origine) mais en la majeur.

Jamais officiellement créé, l’opus 57 (devenu PremiĂšre symphonie op.57 bis aprĂšs orchestration en 1927) est une Ɠuvre apparemment expĂ©rimentale, des recherches spĂ©cifiques se greffant Ă  chaque mouvement. Dans cette perspective, le premier mouvement serait une Ă©tude d’harmonies sans vĂ©ritable thĂšme, prĂ©sentĂ©e sous la forme d’arpĂšges aux couleurs changeantes, d’une pensĂ©e profondĂ©ment originale dans le panorama musical de son Ă©poque. Depuis l’Adagio initial, le tempo ne cesse de ralentir, dans une esthĂ©tique Ă©tale du temps proche des Heures persanes op.65 contemporaines (1916-19). Loin de tout exotisme, cette temporalitĂ©, que Koechlin a sĂ»rement perçue lors de ces voyages en Orient, est partie intĂ©grante de son langage. Un autre temps, hachĂ© cette fois, apparaĂźt dans le Scherzo qui suit en une Ă©tude rythmique aux appuis toujours diffĂ©rents. Il s’agit d’un jeu au sens fort du terme, par l’emploi, entre autres, d’une mĂ©trique Ă  11/8 encore assez insolite en 1916. AprĂšs un passage central plus posĂ© (en 6/8), l’énergie liminaire reprend de plus belle en une Ă©criture dĂ©jĂ  proche de sa future conception orchestrale. Le mouvement lent est une Ă©tude de variations mĂ©lodiques sur un ostinato de croches. Il s’en dĂ©gage quelque chose d’immuable, par son Ă©criture simple sans indigence, parfois proche du choral. Le finale est le mouvement le plus dĂ©veloppĂ© des trois quatuors, avec pas moins de 335 mesures (dont certaines Ă  15 temps !). Transcendant l’étude, il s’agit lĂ  d’une magistrale dĂ©monstration fuguĂ©e sans forfanterie, sentiment Ă©tranger Ă  la personnalitĂ© de Koechlin. PossĂ©dant un goĂ»t marquĂ© pour cette forme d’écriture, elle laisse transparaĂźtre l’admiration que ce parisien d’origine alsacienne portait Ă  la musique des grands maĂźtres d’Outre-Rhin, et notamment sa vĂ©ritable idolĂątrie pour Bach. Les cordes s’y comportent en vĂ©ritable orchestre avec leurs doubles et triples cordes, et d’incessantes recherches de combinaisons sonores. Le premier thĂšme, franc et marquĂ©, qui sert de sujet Ă  la fugue, est bientĂŽt superposĂ© Ă  son contre-sujet. S’ensuit un travail consĂ©quent d’imitation. Toutefois, Ă  certains endroits, Koechlin semble dĂ©rĂ©gler volontairement une mĂ©canique qui lui semblait peut-ĂȘtre trop bien huilĂ©e. Et ce, au sein d’une polytonalitĂ© plus ou moins latente des plus rĂ©ussie. Ailleurs, il imprime au dĂ©roulement un aspect volontairement archaĂŻsant par de brusques changements de tonalitĂ©s soulignĂ©s par les quintes Ă  vide du violoncelle. Soudain, un Andante contraste avec son paisible ut majeur. Il prĂ©cĂšde la reprise d’une musique dominĂ©e par un « dĂ©sordre organisĂ© ». VĂ©ritable centre du mouvement, ce sommet chaotique est finalement projetĂ© vers une soudaine illumination, en un mi majeur flamboyant. Peu Ă  peu, par vagues, tout s’apaise pour laisser l’auditeur dans l’ébahissement de ce quart d’heure d’écoute intense. C’est que Koechlin ne faisait aucune concession quant Ă  la rĂ©alisation de ses rĂȘves d’artiste puisque sa musique est « [
] Ă  la fois dĂ©veloppĂ©e et intĂ©rieure, ces passages-lĂ  Ă©tant pour des gens peu pressĂ©s et capables de suivre avec attention et sympathie une assez longue Ă©volution de sentiments », comme il le soulignait lui-mĂȘme dans une lettre du 20 dĂ©cembre 1932.

Impossible de conclure autrement qu’avec l’Étude sur Charles Koechlin par lui-mĂȘme (1939) : « Au demeurant, [Koechlin] est incapable d’écrire en analysant ce qu’il Ă©crit, Ă  ce point que jamais il ne se demande oĂč est le thĂšme
 Chanter, chanter librement ! Ce qui ne veut pas dire sans ordre, ni qu’il s’y trouve parfois des motifs nettement dĂ©finis. Mais en rĂ©alitĂ©, chacune de ses Ɠuvres est une piĂšce unique dont le plan se trouve dĂ©terminĂ© par l’évolution vivante des thĂšmes et des sentiments, par la vie mĂȘme, – et qui jamais ne fut dĂ©cidĂ© Ă  l’avance, sinon parfois dans ses plus grandes lignes [
]. » Pour cela, sa musique ne recule devant aucune exigence d’interprĂ©tation, de techniques et donc d’écoute. Venues peut-ĂȘtre trop tĂŽt, il serait temps que ces Ɠuvres importantes entrent enfin au rĂ©pertoire Ă  cĂŽtĂ© de rĂ©ussites aussi intenses que celles de BartĂłk, Carter, Dutilleux ou Ligeti.

Ludovic Florin

La presse en parle !

« Voici un enregistrement qui est vraiment Ă  dĂ©couvrir, aussi bien pour les extraordinaires quatuors du compositeur et esprit universel Charles Koechlin (1867-1950) que pour le Quatuor Ardeo, rĂ©cemment formĂ© par quatre jeunes musiciennes qui se sont rencontrĂ©es dans la classe de quatuor Ă  cordes du Conservatoire de Paris et baptisĂ© d’un mot latin qui veut dire « se consumer de passion ». D’une caractĂ©risation difficile, la remarquable musique de Koechlin se montre dans ces quatuors souvent polytonale et modale mais dotĂ©e d’un sens de la mĂ©lodie que le compositeur manipule de diffĂ©rentes maniĂšres, en lui faisant souvent prendre la forme de grandes structures fuguĂ©es qui rappellent Bach. Le Quatuor n° 1 est plein de brillants coups de théùtre. Le monumental Quatuor n° 2, qui se termine par un extraordinaire dernier mouvement d’une longueur de 17 minutes, est d’une grande richesse contrapuntique et rĂ©vĂšle de vastes et pures perspectives harmoniques. L’étonnant est moins le fait qu’un jeune quatuor français ait choisi d’enregistrer Koechlin que la maĂźtrise d’ensemble avec laquelle cette interprĂ©tation est menĂ©e. Les jeunes femmes laissent Ă©clater une joie complice dans le dernier mouvement, d’une gaietĂ© haydnienne, de l’opus 51, avant de se livrer avec une voluptĂ© suppliante Ă  la dĂ©construction de l’esthĂ©tique Ă©tale du premier mouvement de l’Opus 57. L’enregistrement sĂ©duit par son alliance de clartĂ© et de chaleur. Le livret de Ludovic Florin explore l’Ɠuvre de Koechlin avec une prĂ©cision philosophique et un dĂ©tail musical implacables. »

Strings Magazine, Février 2008, L. V.


« Naviguer Ă  travers le vaste catalogue de Charles Koechlin (plus de 250 Ɠuvres) s’avĂšre intimidant. MĂȘme le Grove regimbe pour en donner une liste complĂšte, mĂȘme s’il y mentionne les trois quatuors Ă  cordes. Les deux premiers datent de 1913 et 1916 et reprĂ©sentent une contribution prĂ©cieuse Ă  la discographie du compositeur qui augmente discrĂštement mais sĂ»rement. L’environnement musical naturel de Koechlin est l’orchestre et, par la suite, il orchestrera son DeuxiĂšme Quatuor auquel il donnera le titre de PremiĂšre Symphonie. Dans sa forme d’origine, tout comme dans le premier quatuor, il rĂ©vĂšle les racines françaises de sa musique, aux Ă©chos lointains de CĂ©sar Franck mais aussi la tradition beethovĂ©nienne soutenue dans la musique française par Vincent d’Indy. Il y a plus encore dans ces deux Ɠuvres qui distingue ce compositeur, l’un des plus originaux et mĂ©connus de la premiĂšre moitiĂ© du XXe siĂšcle, et les interprĂ©tations du Quatuor Ardeo, d’une grande souplesse et admirablement nuancĂ©es, mĂ©ritent la plus large diffusion. »

The Guardian, 23 novembre 2007, Andrew Clements



« En premiĂšre mondiale, le label Ar RĂ©-SĂ© publie un enregistrement de deux quatuors Ă  cordes de Koechlin, un des plus grands compositeurs français du XXe SiĂšcle. Jeune quatuor Ă  cordes français, Ardeo s’est constituĂ© au sein du Conservatoire National SupĂ©rieur de Musique de Paris dans la classe de quatuor Ă  cordes de M. Hentz et D. Hovora. »

L’avis de la Fnac, Attention Talent



« Ayant suivi l’enseignement ponctuel ou rĂ©gulier de membres du Fine Arts Quartet, des quatuors Hagen ou Talich (entre autres), le Quatuor Ardeo a dĂ©jĂ  remportĂ© de nombreux prix, que ce soit celui de la Fondation Polignac ou ceux dĂ©cernĂ©s par les villes de Moscou (2004) et Bordeaux (2005). C’est dire si nous Ă©tions impatients d’Ă©couter les quatre Françaises, de surcroĂźt dans un programme qui dĂ©fend la musique hexagonale : les Quatuors n° 1 et n° 2 de Charles KƓchlin. Scientifique de formation, auteur de nombreuses Ɠuvres dialectiques – TraitĂ© d’harmonie (1924-25), TraitĂ© d’orchestration (1954-59), TraitĂ© sur la polyphonie modale (1931) –, il n’est pas Ă©tonnant de voir le crĂ©ateur des Heures persanes consacrer trois opus Ă  une formation associĂ©e Ă  la quintessence musicale. Ceux-ci seront rĂ©visĂ©s jusqu’en 1921, dans l’enthousiasme de la crĂ©ation du premier (19 mai) et du point final apportĂ© au dernier (15 aoĂ»t). Les brouillons du Quatuor n° 1 Op.51 portent les dates du 22 mai au 6 juin 1902, mais la composition proprement dite s’Ă©tale de 1911 Ă  1913. En plus d’une gestation assez longue, KƓchlin conçoit encore des variantes (conforme Ă  l’Ă©dition), jusqu’au 28 fĂ©vrier 1921. DĂ©diĂ©e Ă  AndrĂ© GĂ©dalge, cet Ă©lĂšve de Massenet devenu professeur de contrepoint et de fugue au Conservatoire de Paris, l’Ɠuvre, si l’on exclut quelques piĂšces prĂ©cĂ©dentes, reprĂ©sente la vĂ©ritable entrĂ©e du compositeur dans le monde chambriste. Cet essai signale dĂ©jĂ  un Ă©quilibre remarquable entre musicalitĂ© et maĂźtrise technique, climats champĂȘtre et sacrĂ© (Allegro moderato), connaissance et innocence (Scherzo), innovation et pastiche (Finale). Devenu 1re Symphonie Op.57bis aprĂšs l’orchestration de 1927, le Quatuor n°2 Op.57 n’a jamais Ă©tĂ© officiellement créé, demeurant archivĂ© comme une Ɠuvre expĂ©rimentale. On peut y cerner certaines pistes de recherches : Ă©tude d’harmonies sans vĂ©ritable thĂšme (Adagio), mĂ©trique insolite pour l’Ă©poque (Scherzo), durĂ©e de mouvement dĂ©sĂ©quilibrĂ©e (dix-sept minutes pour le Finale), etc. C’est une belle osmose qui s’opĂšre entre les interprĂštes et la musique, Ă  la fois dĂ©veloppĂ©e et intĂ©rieure, du compositeur – comme il l’a dĂ©finie lui-mĂȘme en 1932. Leur art d’installer des climats languides s’appuie sur une maĂźtrise remarquable de dĂ©licatesse et de nuance, source de ciselĂ©s d’une grande puretĂ©. Les passages plus rythmĂ©s recĂšlent une allĂ©gresse jamais sauvage, bien qu’ils semblent plus bondissants que rĂ©ellement dansants. Cet enregistrement mĂ©rite particuliĂšrement d’ĂȘtre saluĂ©.  »

Anaclase.com, Octobre 2007, Laurent Bergnach


« CD COUP DE CƒUR Le Quatuor Ardeo magnifie KoechlinVoilĂ  un jeune ensemble qui fait beaucoup parler de lui. ConsacrĂ© aux deux premiers quatuors de Koechlin, leur nouveau disque est, Ă  juste titre, unanimement saluĂ© par la critique. Mais le Quatuor Ardeo, constituĂ© au CNSMDP et soutenu par MĂ©cĂ©nat musical SociĂ©tĂ© gĂ©nĂ©rale, avait dĂ©jĂ  retenu l’attention par le passĂ©, obtenant notamment, en 2005, le 1er prix de la FĂ©dĂ©ration nationale des associations de parents d’Ă©lĂšves des conservatoires et Ă©coles de musique, danse et art dramatique (Fnapec) et le prix de la presse au concours international de quatuor Ă  cordes de Bordeaux. PrĂ©sent dans les grands festivals, l’ensemble jouera, le 29 septembre, au Septembre musical de l’Orne. »

Le Nouveau Musicien, N° 29, Septembre 2007


 
« Il n’est pas Ă©tonnant qu’un maĂźtre du contrepoint tel que Koechlin ait trouvĂ© d’emblĂ©e l’Ă©quilibre entre les voix, si essentiel Ă  un dialogue harmonieux entre les partenaires dans un genre rĂ©putĂ© difficile (le quatuor Ă  cordes). Son premier essai dans ce domaine est en tout cas un coup de maĂźtre : la dĂ©dicace Ă  son maĂźtre AndrĂ© GĂ©dalge (un vĂ©ritable « TaneĂŻev français » aujourd’hui scandaleusement oubliĂ©) place cette magnifique partition sous le signe du contrepoint et, tout particuliĂšrement, de l’imitation chĂšre Ă  Bach, de tout temps Ă©toile au firmament musical de notre musicien. Le sentiment pastoral teintĂ© de modalitĂ© alterne avec de claires mĂ©lodies qui possĂšdent toute l’innocence des comptines que les enfants chantent dans un grand jardin sous le soleil de l’Ă©tĂ©, et papa Haydn en personne semble avoir portĂ© sur les fonds baptismaux le malicieux final (un spirituel pastiche de la premiĂšre École de Vienne). Le Quatuor n° 2 va plus loin encore. C’est certainement, en dehors du prodigieux quatuor de Florent Schmitt, le quatuor français le plus monumental de son temps. Son contenu dĂ©borde largement du cadre du quatuor, ce qui explique que l’auteur l’ait orchestrĂ© pour en faire sa premiĂšre symphonie. La solide assise tonale n’empĂȘche pas Koechlin de se livrer Ă  des expĂ©rimentations encore hardies vers 1915 : thĂšmes « abstraits » en forme d’arpĂšges (premier mouvement, qui est loin d’ĂȘtre « athĂ©matique » ainsi que le suggĂšre bizarrement la notice), ralentissement par paliers, tendant vers un immobilisme statique caractĂ©ristique de l’auteur, Ă©tude rythmique complexe (Scherzo), solution hautement personnelle au problĂšme maintes fois soulevĂ© de la synthĂšse entre fugue et allegro de sonate. La polytonalitĂ© et la modalitĂ© Ă©largissent encore les possibilitĂ©s expressives et s’orientent vers une conclusion sereine et lumineuse. Soutenu par le label Ar RĂ©-SĂ© (voir la rubrique « Les artisans du disque », p. 24), les interprĂštes dĂ©fendent avec beaucoup de conviction ces pages magistrales, dignes de figurer au cĂŽtĂ© des chefs-d’Ɠuvre du genre tels qu’Ă  l’Ă©poque les quatuors de Malipiero ou ceux d’Honegger. Leur parfaite synchronisation et leur prĂ©cision d’attaque permettent de savourer les courbes Ă©lĂ©gantes de la dense polyphonie modale qui pour Koechlin a valeur de signature. Et quelques manques de justesse passagers seront rapidement oubliĂ©s devant la ferveur et le soin avec lesquels les Ardeo construisent les progressions dynamiques, comme dans la partie mĂ©diane du finale du n° 2, Une approche aussi mĂ©ditĂ©e aidera sans doute Ă  ancrer dans le rĂ©pertoire courant ces pages essentielles de la musique française. »

Classica-Répertoire, Juillet-Août 2007, Michel Fleury


« Les annĂ©es 1911-1921 ont Ă©tĂ© pour Charles Koechlin celles oĂč la musique de chambre a prĂ©dominĂ©. 

Depuis le Premier Quatuor Ă  cordes, achevĂ© en 1913, jusqu’au Premier Quintette avec piano et cordes de 1921, le compositeur a marquĂ© des formes consacrĂ©es de sa personnalitĂ© fonciĂšrement indĂ©pendante. L’Ă©tude « Koechlin par lui-mĂȘme », publiĂ©e en 1981 par La Revue musicale, dĂ©crit le processus par lequel celui-ci abordait la musique de chambre et, particuliĂšrement, le quatuor Ă  cordes : « Chanter, chanter librement ! Ce qui ne veut pas dire sans ordre, ni qu’il sy trouve parfois des motifs nettement dĂ©finis. Mais en rĂ©alitĂ©, chacune de ces Ɠuvres est une piĂšce unique dont le plan se trouve dĂ©terminĂ© par l’Ă©volution vivante des thĂšmes et des sentiments, par leur vie mĂȘme. »
Il est nĂ©cessaire de se souvenir de ce regard du musicien sur lui-mĂȘme pour mieux comprendre ce qui pourrait nous dĂ©router Ă  l’Ă©coute de ces deux quatuors Ă  cordes, composĂ©s pour le premier de 1911 Ă  1913 et pour le deuxiĂšme entre 1915 et 1916, dates retenues par le catalogue Ă©ditĂ© en 1975, mais rectifiĂ©es par le texte de prĂ©sentation de ce CD, qui nous apprend que les premiers brouillons de l’Opus 51 portent les dates du 22 mai au 6 juin 1902 (ce texte de Ludovic Florin est des plus complets, et c’est lĂ  une contribution importante Ă  la connaissance de l’Ɠuvre de Koechlin).
L’interprĂ©tation du Quatuor Ardeo, constituĂ© en 2004 et composĂ© de Carole Petitdemange et Olivia Hughes (violons), Caroline Donin (alto) et JoĂ«lle Martinez (violoncelle), elle est totalement satisfaisante pour la cohĂ©sion des quatre instruments et l’esprit qui anime les jeunes interprĂštes. L’heure est enfin venue oĂč l’Ɠuvre de Charles Koechlin prend la place qui lui est due ! »

Le Monde de la musique, Mai 2006, Jean Roy



CD réalisé avec le soutien de Mécenat Musical Société Générale

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